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arnauddelepine

LE PHARE

















Le jeune Paul, qui venait tout juste de fêter ses 10 ans, alla rejoindre ses camarades de classe sur la plage près de l’école où ils avaient tous l’habitude de se réunir après les cours à 17 heures. Comme à chaque fois, son ami Jean traça les limites du terrain de football sur le sable à l’aide de son bout de bois et posa deux pulls de chaque côté du terrain pour créer les buts. La partie pouvait commencer. Ils n’étaient pas très nombreux à jouer, seulement 8 joueurs. Ce qui est logique lorsque l’on habite sur une île peuplée de 512 habitants sur 4 kilomètres carrés.


La partie commença. Comme d’habitude les règles du football n’étaient pas du tout respectées et le score ressemblait plus au résultat d’un match de rugby ou de hockey sur glace, mais tout le monde s’amusait. Sauf lorsque Jean tenta un tir de loin qui envoya le ballon à l’autre extrémité de la plage, derrière la dune qui cachait une vieille remise. Jean fut invité par ses petits camarades d’aller récupérer le ballon. Paul se proposa de l’accompagner. Ils traversèrent ensemble la plage, montèrent la dune et virent le ballon près de la porte d’entrée de la vieille remise. Jean prit le ballon et dit :


- On habite sur cette île depuis que l’on est né et cette remise a toujours été cadenassées. Avec le phare, c’est probablement un des rares endroits que nous n’avons pas encore visités.

- Oui, mais vu l’odeur qui se dégage de cette remise, ce n’est peut-être pas plus mal.

- Ça te dirait de voir ce qu’il y a à l’intérieur ?

- C’est verrouillé, on n’a pas les outils nécessaires pour l’ouvrir.

- J’essayerai d’arranger ça, dit Jean en lançant un clin d’œil complice à son ami.


Les deux amis rejoignirent ensuite leurs camarades et finirent leur partie de football. Lorsque Paul rentra chez lui, il était presque l’heure du dîner. Lors du repas, il ne put s’empêcher de demander à ses parents ce qu’il y avait dans cette vieille remise. Le père de Paul, un vieux marin bourru toujours accompagné d’une pipe éteinte à la bouche lui dit, après un vif échange de regard avec son épouse, que ce n’était qu’un vieil endroit où était entreposé la pêche de truite. Paul se contenta de cette réponse, mais savait que ce n’était pas vrai. Il était jeune, mais savait très bien qu’il n’y avait plus de pêcheur depuis bien longtemps depuis que les mers étaient vidées de toute vie depuis le fameux incident de juin 2352.


Le lendemain matin, Paul et Jean se retrouvèrent avant que ne commencent les cours. Jean avait également posé la question sur l’utilité de cette fameuse remise à ses parents, mais ils lui avaient donné la même réponse qu’à Paul. Ils se doutaient bien l’explication n’était évidemment pas crédible. Leurs parents les prenaient encore pour des petits garçons incapables de comprendre leur environnement. Mais c’étaient deux jeunes enfants très curieux qui s’intéressaient à tout. A part leur île, qu’ils n’ont jamais quitté, ils ne connaissaient rien de ce qui se trouvaient au-delà de cet interminable horizon océanique d’où l’on ne pouvait distinguer aucune Terre, même avec une longue-vue. Mais aujourd’hui était un jour un peu spécial pour eux. Ils allaient enfin avoir leur premier cours de géographie. Ils allaient enfin en savoir un peu plus sur leur monde.


Leur professeur commença son cours, et montra à sa petite classe une carte détaillée de l’île. Il expliqua à ses élèves l’ensemble des lieux qu’ils pouvaient visiter : le petit parc situé derrière l’école, la vieille église près de la boulangerie Sanzot, et les vastes champs de blés qui faisaient travailler la moitié des habitants de l’île situés à l’extrême est. Nolwenn, la première de la classe, n’hésita pas à interrompre le professeur sans lever le doigt pour lui poser une question :


- Monsieur le professeur, je pense que tout le monde connaît notre île. Ce que nous aurions aimé savoir c’est l’emplacement des autres îles.

- Eh bien, chère enfant, il n’y a pas d’autres îles. Nous sommes sur la seule île de ce monde, il n’y en a pas d’autres.

- Mais dans ce cas, pourquoi avons-nous un phare ? C’est bien la preuve que par le passé il existait des bateaux. Et ces bateaux se rendaient probablement sur d’autre îles ou sur un continent.

- Oui c’est exact, il existait des bateaux à l’époque où il était encore possible de pêcher. Mais depuis qu’il n’y a plus de poisson dans la mer depuis l’incident dont vous avez tous déjà entendu parler, il n’y a plus de bateau car nous n’en avons plus l’utilité. Le dernier a d’ailleurs été coulé volontairement il y a cinq ans car il ne servait plus à rien. Mais ces bateaux servaient juste à pêcher, rien de plus.


Nolwenn ne trouvait pas cette réponse très satisfaisante mais s’en contenta. Elle ne voulait pas poser davantage de questions qui pourraient mettre en difficulté son professeur. De leur côté, Paul et Jean s’échangèrent des regards perplexes. Cela leur paru inconcevable qu’il n’y ait que leur île en surface immergée sur l’ensemble de la planète.


Lors de la récréation, Jean alla voir Paul pour lui dire qu’il avait mis la main sur une fiole d’acide sulfurique qu’il avait volé dans les affaires de son père. Cela leur servirait pour fondre le cadenas qui bloquait la porte de la remise derrière la dune. Ils se sont donnés rendez-vous près de cette dernière après leur partie de football du soir.


Lorsqu’ils atteignirent la porte de la mystérieuse remise, Jean s’apprêtait à verse l’acide sur le cadenas. Mais soudain, ils entendirent une voix derrière eux :


- Hey, vous deux !

- Nolwenn ? répondit Paul.

- Oui, qu’est-ce que vous manigancez comme ça ?

- On veut rentrer pour voir ce qu’il y a à l’intérieur.

- Vous êtes de sacrés curieux vous. Je vous accompagne.


Jean brisa le cadenas et ouvrit la porte. Une odeur de renfermé accompagnât l’ouverture. Ils entrèrent tous les 3 à l’intérieur et ne découvrirent évidemment pas de stock de poissons. Mais une pièce recouverte d’images de bateaux encadrées. Sous chacune de ces images, il y avait deux dates côte à côté comme celles inscrites sur les pierres tombales. Au milieu de la pièce, se trouvait un coffre qui contenait plusieurs livres. Jean commença à en ouvrir un et cela ressemblait à des carnets de bord qui avaient tous été entreposés dans ce lieux. Parmi ces livres, il y en avait un plus gros que les autres et qui avait une apparence moins ancienne. Nolwenn le prit et dit aux garçons :


- Je crois qu’il nous faut lire tout ça. Vous deux prenez un livre chacun, moi j’embarque celui-là. On commence à les lire ce soir et on se fait un compte rendu demain pendant la récréation, vous êtes d’accord ?

- Ça marche Nolwenn, répondit Paul. Il ne faut pas que l’on traîne trop longtemps ici, on pourrait se faire prendre.


Les trois amis sortirent de la remise avec leur butin caché sous leur pull. Ils se retrouvèrent le lendemain matin lors de la récréation de 10 heures où les trois amis avaient l’air tous très excités de partager ce qu’ils avaient découvert dans ces livres. Jean commença à parler du sien :


- C’est incroyable. Le livre que j’ai pris est un carnet de bord d’un capitaine de navire qui a été envoyé en 2353 par le maire de l’île pour vérifier si l’eau étaient également empoisonnée loin de nos rivages. Ce capitaine est allé à plus de 10 000 kilomètres de nos côtes, et l’eau était empoisonnée même à cette distance. Il a tenté plusieurs expéditions par la suite qui ont abouti sur les mêmes conclusions.

- C’est fou, répondit Paul. Mon livre est également un livre de bord mais qui est plus ancien. Il date de 2311. Dans son compte-rendu le capitaine Ivraussoir du navire Exode décrit comment il arrivait à pêcher des tonnes de poissons par jour. Ce type a dû amasser une fortune considérable. Je n’ai pourtant jamais entendu parler de lui…

- J’ai probablement encore plus intéressant, dit Nolwenn. Le livre que j’ai pris est un récit détaillé de l’île. Et vous savez quoi ? Selon ce livre, il existerait une seconde île. Nous ne sommes donc pas la seule surface immergée de ce monde. Vous vous rendez compte ? Personne ne nous a parlé de cette seconde île !


C’est à ce moment que la sonnerie de la reprise des cours sonna. Les trois amis eurent du mal à se concentrer pendant la journée tant leurs têtes étaient remplies de questions et de théories sur le monde qui les entourait. A la fin de la journée, au lieu d’aller faire un foot avec le reste de la classe sur la plage, ils se réunirent tous les trois pour discuter de leurs découvertes. Nolwenn fit prendre connaissance aux garçons que le phare de l’île était probablement la clé du mystère car il est mentionné dans le livre qu’elle avait trouvé que ce phare a été construit grâce au financement du capitaine Ivraussoir. Paul répondit :


- Donc si je comprends bien, ce capitaine aurait financé la construction de ce phare pour épauler une expédition vers cette mystérieuse seconde île.

- Oui, dit Nolwenn. Grâce à la fortune qu’il a accumulé grâce à sa pêche, il a pu lancer cette construction.

- La clé de tout ce mystère se trouve probablement dans ce phare, intervient Jean.

- Oui, répondit Paul. Ce soir, je tirerai les vers du nez à mes parents pour avoir des explications sur ce phare. Je vous invite à faire de même pour qu’on obtienne enfin des réponses.


Lorsque Paul rentra chez lui, il était déjà l’heure du dîner. Ce soir, c’est une semoule de blé pour repas. Il avait l’habitude. Depuis que la mer avait été empoisonnée, le blé était l’un des aliments principaux de l’île. Sans faire exprès, Paul fit tomber de la mayonnaise par terre car le bocal qui la contenait était mal fermé. Puis au cours du repas, Paul posa une question à son père :


- Dit Papa. Pourquoi ne peut-on pas visiter le phare ?

- Hum. Tais toi donc et mange ta semoule de blé, elle va refroidir.

- Pourquoi vous ne répondez jamais à mes questions ? Qu’est-ce que vous cachez à la fin ?

- Je t’ai dit de te taire et de cesser de m’ennuyer avec des questions. Je passe déjà toute la journée à ramasser du blé pour nourrir ma famille, ce n’est pas pour qu’elle me casse les pieds le soir alors que je suis fatigué.

- Toujours à éviter de parler…


Excédé, le père de Paul quitta la table pour se diriger vers sa chambre. De cette pièce rugit d’un coup un bruit de tondeuse à gazon. Puis Paul vit son père surgir de sa chambre avec une tronçonneuse en marche dans les mains :


- Je n’en peux plus de ce gosse et de bouffer de la semoule de blé matin et soir. On va le cuire de soir. Au moins une jambe. Cela le guérira de ses questions.

- Non, répondit dans l’affolement son épouse. Attends qu’il soit à maturité pour que sa chair soit tendre. Ne refaisons pas la même erreur qu’avec Marc !

- Non, je veux me régaler ce soir, et surtout le faire taire.


Paul fut totalement terrorisé en voyant son père s’approcher de lui avec sa tronçonneuse. Sa terreur l’empêcha de faire le moindre mouvement. Il resta figé sur sa chaise. Alors que le père de Paul allait donner le coup fatal, celui-ci glissa sur la mayonnaise que Paul avait fait tomber. La tronçonneuse lui glissa des mains atterrissant sur sa jambe droite qui fut tranché en quelques secondes. Paul prit alors ses jambes à son cou pour fuir la maison laissant derrière lui son père agonisant dans une mare de sang. A l’extérieur, il retrouva ses deux amis Jean et Nolwenn qui avaient tous deux l’air aussi terrifiés que lui :


- Vos parents ont également tenté de vous tuer après avoir évoqué le phare ?

- Oui, dit Nolwenn. Ma mère a sorti une hache, mais heureusement elle ne court pas très vite. J’ai pu la semer.

- Et moi ils ont tenté de m’enfermer dans la cave, mais j’ai pu m’enfuir en passant par les tuyaux d’aération, rajouta Jean.

- Le seul endroit où l’on peut être en sécurité, c’est dans ce phare. Je crois bien que depuis l’empoisonnement de la mer, les enfants servent de nourriture à leurs parents, dit Paul.

- Cela expliquerait pourquoi nous somme si peu d’enfants sur cette île, répondit Nolwenn.


Les trois amis coururent en direction du phare. Arrivés en face de l’imposant guide de soixante mètres de haut, ils tentèrent d’ouvrir la porte. Mais elle était malheureusement fermée. Derrière eux, ils apercevaient leurs parents qui avaient retrouvé leurs traces et s’approchaient d’eux. Ils se mirent alors à hurler face à la porte du phare : « AU SECOURS ! OUVREZ-NOUS S’IL VOUS PLAIT ! ILS VEULENT NOUS MANGER » !


C’est alors que la porte s’ouvrit. Une main dans le noir leur indiqua qu’ils pouvaient entrer. Ils ne se firent pas prier pour franchir la porte. Une fois à l’intérieur, ils purent identifier leur sauveur : un vieil homme avec une imposante barbe blanche, des sourcils broussailleux et un pull avec une encre au milieu. Il prit la parole :


- Tout va bien les enfants, vous êtes en sécurité ici.

- Qui êtes-vous ? demanda Paul.

- Je suis le capitaine Ivraussoir. Je crois que vous avez passablement énervé cette bande de cinglés qui habite cette île de malheur.

- Ils… Ils ont essayé de nous manger, répondit Jean.

- Je sais mon petit. Les gens ont pété un câble depuis qu’ils ne peuvent plus se nourrir de fruits de mer. Ils en sont à se manger entre eux. C’est la raison pour laquelle j’ai fait construire ce phare.

- Mais… A quoi un phare va-t-il servir à mettre fin à cette folie ? interrogea Nolwenn.

- Ce n’est pas vraiment un phare ma petite. C’est en réalité une fusée camouflée. Cela fait des années que je travaille dessus et elle est aujourd’hui opérationnelle. Nous allons pouvoir quitter cet enfer. Pour le voyage, j’ai des tonnes de poissons en réserve. Enfin, sauf si vous voulez rester sur ce satané cailloux ?

- Ho que non, répondit Paul. Nous voulons partir avec vous. Pour rejoindre la seconde île peut-être ?

- Il n’y a pas de seconde île mon garçon. Ce n’est qu’une légende bâtit par de vieux ivrognes. Nous sommes la seule île de la planète. Ses seuls et uniques habitants. Je compte partir pour aller sur une autre planète.

- Une autre planète ? Il existe d’autres planètes ? demanda Jean.

- Oui. Beaucoup. Mais peu sont habitables. Je compte me rendre sur une planète que ses habitants appellent la Terre.

- Emmenez-nous avec vous ! lui rétorqua Nolwenn.


C’est alors que je grands bruits surgirent de la porte. C’étaient les parents des trois enfants qui venaient chercher leur progéniture. La capitaine Ivraussoir emmena les enfants dans une chambre qui contenaient plusieurs lits. Il les attacha chacun dans chaque lit pour supporter le décollage. Une fois la tâche effectuée, il lança la procédure de décollage. Le moteur à hydrogène de la fusée déguisée en phare s’alluma projetant les parents se situant à proximité. Le phare-fusée décolla et carbonisa par le même temps toute l’île. Il n’y avait plus personne sur cette planète à présent. Une fois que le phare-fusée atteignit l’espace intersidérale, le capitaine Ivraussoir mit le pilote automatique. Une vitesse de croisière se mit en place pour atteindre cette fameuse planète Terre.


Le capitaine descendit du haut de son phare-fusée pour aller rejoindre les enfants. Il vérifia si tout le monde allait bien, ce qui était le cas même si le décollage les avait sérieusement secoués. Nolwenn demanda alors au capitaine s’il pouvait à présent les détacher :


- Je crains que ce ne soit pas possible, répondit le capitaine.

- Mais pourquoi ça ? demanda Nolwenn qui fut très surprise de cette réponse.

- Eh bien, je vous ai menti à votre arrivée. Je n’ai plus de poissons en réserve…


FIN

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